Retour d’un séjour escalade dans le Wadi Rum, les dernières traces de sable ont déjà disparu mais les sensations inondent encore les rêves! Voyage ! De l’escalade comme nulle part ailleurs. Mais on est loin des obsessions du geste et de la performance. Ce qui reste c’est l’essentiel, l’évasion : la chaleur du sable sous les pieds nus, la vibration intérieure que procure le spectacle de ces paysages grandioses, la douce émotion quand les échos du chant du muezzin vous prennent au détour d’un canyon, l’extrême concentration pour trouver son itinéraire dans ces dédales aux contours fantasmagoriques… le voyage!
Pour un début novembre, le temps était chaud, nous avons évité tant que possible toute ascension trop longue au soleil. Entre voies classiques et absolument incontournables, voies récentes fruits des infatigables découvreurs du massif (Arnaud Guillaume, Rémi Thivel, Stéphane Marigot, Christian Ravier…) et voies bédouines, je vous livre en deux articles les comptes rendus de notre semaine.
Merci à Audrey pour sa confiance, cette fois encore!
N’hésitez pas à lire aussi le compte rendu du dernier séjour de Renato.
Djebel Rum / Dark Tower : Black Magic
Première journée ! un repos matinal et il fait chaud, étonnamment pour la saison, grimper au soleil est peu envisageable. Direction la face Est du Djebel Rum… pour finalement aller jusqu’à la Dark Tower. Black Magic est une voie réputée, une classique, à l’accès simple et à la descente en rappel. Toutes les infos prises, le cheminement s’avèrera évident. Le rocher est bon à excellent, les protections sont assez aisées à mettre en place, l’ombre est avec nous dès 13h00… Prise de marque pour Audrey comme pour moi : toucher unique du rocher, retour dans les lumières dorées sur les faces dominants le village, chant du muezzin dans la voie… effet immédiat, le cerveau change de fonctionnement, le plein de sérotonine est fait, ça déborde depuis!
On a aimé chaque longueur un peu plus que la précédente !
Um Ejil : The Beauty
Sa renommée, son nom, rien n’est usurpé. De l’approche au sommet, chaque instant de la journée fut source d’émerveillement.
L’approche par le Rakabat : repérée avec mon fils il y a quelques années déjà, une déambulation dans un enchainement de canyons étroits, entouré de parois aux formes inconnues. Ici les grès ancestraux offrent au regard des constructions improbables et colorées… le rocher semble vivant !
La voie : un dièdre fissuré parfait d’abord puis des fissures plus atypiques, un pas de dalle exposé, de nouveau les joies d’une fissure d’abord bien large (presque trop, un camalot n°5 semble le minimum pour ne pas trop s’exposer) et on change de monde. Arrivé dans les dômes crèmes, il reste 15 minutes de cheminement pour atteindre le sommet. La vue est époustouflante, Djebel et Wadi Rum à l’est, Wadi Um Ishrin à l’ouest, un horizon profond vers le sud, des montagnes qui surgissent d’un océan rougeoyant de sable. Inoubliable.
Quelques rappels, la descente par le canyon de Kharazeh (à visiter ou bien à faire en boucle par le Rakabat canyon), achèvent cette journée qui a imprimé tant de perspectives nouvelles sur nos rétines saturées.
Wadi Shelaali : Aouda Ahmad Route
Un Wadi isolé,une face entièrement à l’ombre, une voie récente (2021) : à conseiller!
Les fortes chaleurs nous poussent à bien explorer le topo. Quoi de mieux que les conseils des ouvreurs ? Cela dépend des ouvreurs !
Sur les conseils d’Arnaud G., nous nous enfonçons dans le Wadi Shelaali, non loin de la classique Rum Doodle, visiter Aouda Ahmad route. Aujourd’hui, nous sommes 3. Louis, ancien élève du club d’escalade d’Embrun, se joint à nous… Quel plaisir de se recroiser là et de partager cette petite aventure d’un jour!
Pour l’accès
Rester dans la branche gauche du Wadi, laissant le pilier de Rum Doodle sur votre droite. Quand le Wadi est obstrué (cheminée délicate), revenir de 50 m et grimper une rampe sur la rive gauche. Celle-ci franchie, remonter la rive par une vire (on y trouve un relais en lunule qui servira à la descente) puis progresser au mieux pour retrouver le fond du Wadi. Accéder à la voie par la cheminée la plus évidente.
Impressions dans la voie
L1 à L4 : hors fissures, des lunules indiquent l’itinéraire et permettent de se protéger (à compléter avec des friends. Prévoir de quoi les remplacer, même à l’ombre, elles se dessèchent vite. Le rocher est le plus souvent béton et très adhérent, le tout étant de cheminer au plus évident dans ses taffonis! Le 6b se joue sur peu, dévers sur très bonnes prises au départ (le plus dure sera de remplacer les lunules si besoin!).
La L5 (6c) : demande encore un peu de passage pour être plus propre dans le crux… qui maitrise le ramonage en dièdre sera serein (bonnes protections).
L6 : vraiment superbe
L7 : démarre par une cheminée sur 10 mètres, facile mais évidemment improtégeable puis file sur la dalle à gauche (attention au tirage).
Puis une descente en rappel sur lunules couplées avec mousquetons en place (mais soyez prévoyant!!!)
Escalade au Wadi Rum : informations pratique
La monnaie est le dinar jordanine (JOD), conversion en euros.
Deux aéroports, l’un à Amman, l’autre à Aqaba. Alors le plus simple et rapide est d’arriver à Aqaba. Selon les saisons, il existe des lignes directes pour cette destination. Quel que soit votre lieu d’arrivée en Jordanie, pour rejoindre Rum (ou Raam), il vous faudra prendre un taxi . De Amman, 3h30, 120 à 150 JOD ; de Aqaba, 1h, 50 JOD)
Cette fois encore, nous avons été reçu par Atayek Ahmad al Zalabia (son site ici) et nous le remercions lui et sa famille pour son accueil, sa disponibilité, sa chaleur. Guide bédouin local, il accueille depuis près de 20 ans les grimpeurs chez lui et vous pourrez, avec lui, au jour le jour, organiser votre séjour (demi-pension au village, demi pension dans un camp dans le désert, bivouac, transport sur les massifs éloignés du village…).
demi pension de 25 à 50 JOD/p/j selon les services
Une bible et, comme toutes les textes sacrés, en anglais, la première approche n’amènera pas nécessairement la lumière mais tout y est jusqu’au début des années 2010. On ne peut toujours pas s’en passer, s’y plonger, c’est déjà l’aventure
Tony Howard, 2010 (5e édition) – Treks and Climbs in Wadi Rum, Jordan – Cicerone Press
Des sélections d’itinéraires dans des livres en français :
Arnaud Petit & Stéphanie Bodet, 2023 – Nouvelles parois de légende – Glénat
Thierry Souchard, 2017 – Rock Around the world – édition à compte d’auteur
De nombreux sites internet avec compte-rendus de séjour se trouvent facilement, parmi eux :
les sites de Rémi Thivel, et celui de Christian Ravier, guides et ouvreurs, de nombreux topos des voies récentes
le site de Gilles Rappeneau propose topos et informations d’une sélection de voies bédouines
… et sur place, les classeurs du Camp d’Atayek occuperont vos soirées!
Au Wadi Rum, le terrain est d’aventure à de rares exceptions prêtes.
– 2 jeux complets de friends (équivalents Camalot 0, 3 à 4, un 5 selon les envies, des micros, un jeu de cablés – plutôt des petits) sont une base.
– de quoi remplacer des lunules (corde ou cordelettes de faible diamètre) et couteau + crochet à lunule
– cordes 50 ou 60 solides, voire un troisième brin de secours pour le séjour
– une vraie pharmacie à moduler selon les projets du jour. A minima de quoi réguler une hémorragie qui ici aurait des conséquences dramatiques (garot, pansement hémostatique ou israélien), une attelle souple, des anti douleurs puissants… penser qu’en cas de pépin ça va être long, alors de quoi faire un feu et/ou un point chaud sont à mon sens incontournables…